mardi 28 novembre 2017

Into the wild.

Les chiliens ont le Lago de Todos los Santos, les argentins ont le Nahuel Huapi. Les deux lacs se font face au cœur des montagnes, à deux pas de la frontière, et rivalisent de beauté ; l'un est émeraude, l'autre bleu Schtroumpf. Il est même possible de passer d'un pays à l'autre en les traversant en catamaran (une croisière en montagne, oui, oui) ; mais à trois cent boules le tour de bateau, on a un peu réfléchi : le bus, c'est quand même vachement bien. Le plus beau des deux est selon moi le Nahuel Huapi de Bariloche, que l'on peut admirer dans toute sa splendeur depuis le cerro Campanario : une eau limpide et des berges sinueuses rappelant les fjords norvégiens que je n'ai jamais vus, une nature verdoyante et des monts encore enneigés.



Lagon bleu, Lagon vert, les deux font la paire.



C'est ici que Florent Pagny
a paumé sa déclaration d'impôts.
Les lacs parsèment plus le nord de la Patagonie que les pâquerettes ; certains d'entre eux sont accessibles en voiture, d'autres en excursion à la journée ou en trek de quelques jours, etc... On a commencé la visite de la région par le volcan Osorno, à Puerto Varas au Chili, qui nous a fait profiter d'une vue à trois cent soixante degrés sur toute la région de Puerto Montt : la ville, le Llanquihue, le Todos los Santos, le Pacifique (c'est un océan, pas un lac), et les sauts de Petrohue, visités le lendemain : un magnifique enchaînement de rapides et de cascades bleus-de-glace sur une rivière à fort débit. 



Arrivée à Collioure.



On ne passera au final que trois jours du côté chilien, l'Argentine offre malgré tout plus de possibilités en termes de tourisme comme la route des sept lacs (que l'on a faite en road-trip d'une journée) ou les nombreux parcs naturels aménagés pour les randonnées et treks de tout niveaux. La suite se passera donc de l'autre côté de la frontière : direction la Savoie et les chalets suisses de Bariloche (il y a des restos à fondue de partout, y'en a même un qui s'appelle Le Chamonix). "Oh Léo, tu as vu ? Ils servent tous de la bière pression, ici."






Le pisse-debout, pour les filles
qui en ont dans le froc.
Malheureusement, la totalité des cols du parc Nahuel Huapi étaient fermés pour cause de neige ; certains sont même interdits sans guide de haute montagne toute l'année. On a donc dû réduire l'itinéraire de trois jours initialement prévu à un aller-retour à la lagune Frey (un sentier forestier absolument splendide), encore gelée et entourée d'aiguilles acérées et couvertes de neige. Le parc y a construit un refuge et aménagé des emplacements de camping plats, abrités et gratuits... ce qui n'empêchera pas le vent de secouer la tente comme un prunier dès tombée de la nuit jusqu'au lendemain matin ; j'avais l'impression de dormir dans une machine à laver en plein essorage.



C'est un trou de verdure où coule une rivière...



Il est impossible de tout voir, même en un an, tant les saisons transforment les paysages, tant les parc nationaux sont nombreux et vastes (et tant les randonnées étaient toutes fermées). On a découvert une région très variée en sites d'intérêt : lacs bleus, verts ou blancs, cascades en tout genre, montagnes, pics, aiguilles, forêts, glaciers, etc... On a même vu un ruisseau se diviser en deux sur une ligne de partage des eaux : une partie finit dans le Pacifique, l'autre dans l'Atlantique ; bref : un gros et magnifique foutoir sauvage ; un grand bol de nature dans la tronche. La Patagonie commence.

mardi 14 novembre 2017

Bienvenue chez les ch'tis.

"Holà, quisiera saber a donde es el hostal el más cerca, por favor.
"Cha, en la cache 13 de macho : el hostal Vache de Cafachate, con desachuno."

L'accent argentin, ce n'est vraiment pas une légende ; ils remplacent tous les y- et les ll- par des ch- ; on dirait des locomotives ! C'est d'ailleurs pour cette raison que les potes à "Che" Guevara lui ont donné ce surnom (oui, il était argentin) ; en gros, ils se foutaient de lui. Bon à part ça ils ont du très bon vin (les argentins, pas les potes au Che), produit dans le noroeste du pays, notamment autour de Salta, première étape argentine du voyage. L'intérêt est double : déboucher du Malbec (y'a même un gars qui m'a montré comment faire avec un Opinel ou une chaussure !) et découvrir en voiture la région alentour, qui offre un bon nombre de sites d'intérêts différents, dont la multicolore quebrada de Humahuaca.


Dali a trébuché avec ses tubes de gouache..



Le lac de Petit-Saut.
Ce sera d'ailleurs notre premier arrêt de l'itinéraire, après avoir pris une route qui traverse une foret tropicale absolument superbe, avec des arbres couverts de mousses et d'épiphytes qui couvrent le ciel au-dessus des voitures. On atteindra la quebrada dans l'après-midi, seule véritable pause de la journée - le meilleur restant à voir le lendemain. Pour le bivouac du soir, ce sera sur conseil du Routard à la laguna de Pozuelos, site peu connu et idéal pour consacrer la soirée à l'observation des oiseaux et l'installation des tentes. Malheureusement, le garde du parc nous coupera dans notre élan : "Décholé, mais che n'est pas autoriché de camper ichi". On n'ira donc que le lendemain matin à la lagune... qui s'avérera malheureusement quasiment à sec.

Grand Canyon.
On passera toute la matinée suivante sur une piste qui a fait vibrer la caisse comme un lave-linge, surtout que les amortisseurs étaient bien fatigués (comme nous, mais en pire). J'ai d'ailleurs bien failli emplatrer une vigogne qui devait penser que traverser devant une caisse lancée à bonne vitesse était une bonne idée. C'est pour les vingt derniers kilomètres qu'on n'était pas d'accord : on devait rester sur la piste principale, mais j'avais quand même bien envie de voir le cañón de Barrancas, dont le passage nous avait été clairement déconseillé en véhicule de tourisme.


"Regarde Simba, toute cette immensité
baignée de lumière est notre royaume..."



Bon, je reconnais que ça frottait un ch'tit chouïa par moments, mais vraiment trois fois rien, hein ! Ç'aurait été vraiment dommage de le louper, vu comment c'était beau : des falaises à pic en bord de route, un rio en bas et de la verdure tout autour. La fin du trajet est passée par les salinas grandes, un autre salar qui nous a paru presque fade à côté de celui d'Uyuni, le village de Purmamarca et sa montagne colorée, mais surtout la magnifique quebrada de las Conchas, en arrivant à Cafayate (prononcez Cafachate). Incomparable à celle de Humahuaca, trop différente, mais plus impressionnante encore : des montagnes de terre rouge, désertiques et très découpées sur des kilomètres, une vallée verte avec une rivière qui serpente entre les végétaux, et la route qui sinue au milieu cette palette de couleurs. C'est impossible à rendre compte en photo, mais c'était pour moi la plus belle étape de ce tour de deux jours en voiture.


Ps : Merci pour tous vos bons retours et compliments sur le blog ; c'est un véritable moteur d'écriture !

lundi 6 novembre 2017

Le Transperceneige.

La Bolivie se termine en apothéose, avec une des étapes que j'attendais le plus du voyage : le salar d'Uyuni et la région du Sud-Lipez, en road-trip de trois jours.







L'Orient-Express.
Étape peut-être la plus touristique du pays - leur Machu Picchu naturel à eux - on passera la frontière chilienne à l'issue de ces trois jours, dans le désert d'Atacama. Cela s'annonce d'autant plus sympa que l'on partagera ce moment avec un couple rencontré dès le début du voyage, lors de la cordillère Huayhuash, Tom et Marie. Le salar d'Uyuni, désert de sel le plus grand du monde, accueille depuis 2014 le Paris-Dakar... qui ne passe donc plus ni par Paris, ni par Dakar. C'est aussi con que d'aller sur la lune avec un peigne derrière l'oreille. Ou que de faire Pékin Express en Bolivie (ah ? on me dit à l'oreille que cela a déjà été fait).



Le Mont Saint-Michel, par marée basse.




Petite étape avant le vrai départ dans un cimetière de vielles locomotives à vapeur rouillées, abandonnées en plein désert - ambiance façon Mad Max. Puis une immensité blanche parfaitement horizontale à perte de vue. On ne sait pas si on marche sur de la neige ou de la glace, voir passer un traîneau et ses huskys ne choquerait personne. Le désert est clairsemé de quelques îles volcaniques jonchées de cactus, posées ça et là comme le blanc des oeufs dans la crème anglaise. Autant de points de vue à 360 degrés sur toute la banquise. Un incroyable no man's land avec plein de touristes partout.



La première plaie d'Egypte.



Le poulet fumé, spécialité locale.
Le Sud-Lipez des deux jours suivants n'a rien à voir : des montagnes arides, des geysers, des formations géologiques d'intérêt ou des lagunes de toutes les couleurs (le rouge vif de la laguna colorada ferait tourner l'oeil d'un arracheur de dents !). Les flamants roses y font l'autruche et les péquenots y font des photos. Et pour joindre tout ça, pas vraiment de piste, mais des plaines désertiques et quelques pauses photos par-ci, par-là. Une espèce de renard andin à moitié déplumé comme un vieil ours en peluche viendra nous quémander un peu de nourriture. L'air devient de plus en plus sec à mesure que l'on poursuit vers le sud ; l'Atacama se rapproche.

"Para la cena, habemos papas."
"Amen."

Le Vatican appréciera la blague. On arrivera le lendemain à San Pedro de Atacama, au Chili, après s'être encore pris des cartes postales plein la vue. Le désert le plus aride au monde offre des formations géologiques incroyables ; différentes de tout ce qu'on à déjà vu, et tout particulièrement la Valle de la Luna (qui portera bien son nom : superbe lever de pleine lune à la tombée de la nuit, derrière le volcan Licancabur) et le salar de Tara. Ce sera pour nous une courte étape de trois jours avant de nouveaux horizons argentins : Salta et sa célèbre Quebrada de Humahuaca.



The Dark Side of the Moon.

samedi 4 novembre 2017

La forêt d'émeraudes.

Franchement, quand on a pris un collectivo depuis La Paz pour aller au col de la Cumbre (4800m) sous un grand ciel bleu, on ne s'attendait pas à arriver dans les nuages gris-béton et vingt centimètres de neige. Le trek des Incas del Choro commence plutôt froid mais a cependant l'avantage de redescendre rapidement en altitude et donc de remonter en température. Le trajet suit ensuite un ancien chemin pavé précolombien et s'enfonce dans les Yungas, chaîne de montagnes annonçant l'arrivée de la forêt Amazonienne en Bolivie, créant une frontière naturelle entre l'altiplano et la selva.



C'est là où Fitzcarraldo s'est planté en deltaplane.



La trouée du Rohan.
On commencera donc la rando par se tremper les chaussures, les pieds, la peau et les os. Après avoir passé la neige, le sentier redescend dans la pampa, au creux d'une vallée jusqu'au premier village-étape de Challapampa. La vue se dégage, c'est de bonne augure pour la suite. On arrivera à destination avec deux heures d'avance sur l'horaire prévue, dans la joie et les chaussures humides. Le camping est petit, mais par chance, on est les seuls touristes ! Par contre, il y a une promo d'étudiants boliviens de quarante personnes ; on sera un peu serrés à table. Le soir les nuages se lèveront, on se réveillera sous le soleil.

La forêt de Fangorn.
Le grand soleil annoncera une grande journée... de pluie. On n'aura pas UNE éclaircie de la journée ! Ni du lendemain, d'ailleurs. On finira le trek sous la flotte, trempés comme des soupes avec de magnifiques points de vue sur que dalle, bouchés par les nuages. Bon, ils se lèveront par moments pour nous laisser entrapercevoir les Yungas recouvertes de forêt humide. Faut être honnêtes, on aurait préféré le soleil, mais l'ambiance que crée la brume des nuages en pleine Amazonie donne une saveur différente à la randonnée, presque surnaturelle. On se croirait dans le dernier Tarzan, ou un autre film à la con, qui présente la forêt tropicale telle qu'elle n'existe pas (euh, peut être que si, du coup ?).



 En haut à gauche, le Huayna Potosi ;
à droite, le Mont Blanc avec Chamonix, en bas.



La randonnée se terminera donc dans la forêt d'altitude, la Cordillère Royale cédant la place aux Yungas ; exactement comme la "route de la mort" que l'on a dévalé en vélo trois jours plus tôt. On bivouaquera le dernier soir au village de Sandillani, où l'on se fera malheureusement agresser par le seul habitant du village. Saloperie de dindon ; c'est encore plus con que c'est moche (et y'a pourtant de la marge !), il veille sur son poulailler comme un concierge sur ses quilles de rouquin ; impossible de monter la tente peinard.








Le trek se terminera le lendemain en deux petites heures de marche et une journée de collectivos. La forêt équatoriale des Yungas est très différente de celle de Guyane, à ne pas louper si vous êtes de passage dans la région. Mais méfiez-vous du dindon qui dort.