lundi 23 octobre 2017

On a marché sur la lune.

Le parc national Sajama a été le premier parc national créé en Bolivie, en 1945. Le Routard y consacre un petit paragraphe ; nous, on l'avait repéré sur un blog de voyageurs (novo-monde, très bonne source d'infos). Très peu fréquenté, très beau, multiple sites d'intérêt, etc... Quand on est arrivé sur place, après avoir emprunté la (peut-être) plus belle route de Bolivie, on a découvert... une chiée de français ! Un village pris d'assaut par les français. Visiblement, le blog a fait des émules. Bon, c'était pas la foire non plus, le parc reste relativement peu touristique... et très beau !



Le Kilimanjaro.



"Oh putain les filles, regardez !
C'est Leo et Marine
 !"
La réserve se situe en réalité sur un site volcanique encore actif et est cernée de volcans : le Sajama, enneigé, le Parinacota et son frangin jumeau le Pomerape. Plusieurs randos peuvent être faites en rayonnant depuis le village : la laguna Huaynacota où l'on a vu des flamants roses et des vigognes, une forêt de quinuas - la forêt la plus haute du monde -, des eaux thermales et même des geysers (site volcanique oblige). En arrivant, on s'est vite aperçu que les touristes français présents avaient tous la même source d'informations que nous, et beaucoup ne parlaient que de faire l'ascension du Parinacota (dont le blog y consacre un article). Apparemment, c'est vraiment beau. Au point de nous faire hésiter. Pas trop longtemps tout de même, vu le prix : 1300 bolivianos.

On est donc parti dès le lendemain au pied du Parinacota. On a commencé l'ascension à la frontale, à quatre heures du matin, avec plus de couches qu'un mille-feuilles. Il gèle à pierre fendre, je ne trouve même plus petit cui-cui pour pisser. On avance très lentement, le but est de prendre son temps et ne surtout pas laisser le palpitant s'emballer, sinon c'est cuit-cuit. Notre guide Ramiro saute comme un cabri et nous, on s'appuie sur nos bâtons tout en s'efforçant de garder un rythme respiratoire constant.



Les Incas venaient jusqu'ici
chercher de la glace pour leurs Mojitos



Nos pas se font de plus en plus petits à mesure que l'on monte, le talon ne dépasse parfois pas les orteils de l'autre pied. Avec le manque d'oxygène, certains ont la sensation d'être ivres ou perdent l'équilibre, d'autres s'endorment en marchant. Nous, on a sommeil. La respiration est de plus en plus profonde, les pauses se font plus fréquentes. Ramiro a amené une Thermos de mate de coca pour nous réchauffer, ça aide le moral. La dernière heure est épouvantable : on voit le sommet, il est à moins de cent mètres et il ne se rapproche pas, putain ! On marche dans la cendre du volcan, c'est meuble, on recule parfois du pas que l'on vient de faire. Tout ne se joue plus qu'au mental, désormais. Un pas. Puis un autre. Encore. Et encore. C'est interminable.






Le puits du Sarlacc.
À dix heures, ça y est ! On arrive enfin au sommet ! On découvre le cratère, il est magnifique, lunaire. Le vent lui a sculpté des dents de neige et de glace. On en tomberait presque à genoux d'émotions. On est y arrivé. Après six heures de marche, on est arrivé au bout, à bout. Tout l'altiplano se laisse découvrir : les plaines, le volcan Sajama au loin, avec le village à ses pieds, le Pomerape juste à côté, couvert de glaciers, et le Chili juste derrière. Le parc national est à la frontière, on a un pied dans chaque pays. C'est ici le point culminant du voyage (au sens propre), une hauteur que je ne pensais jamais atteindre un jour : 6342 mètres d'altitude.



Les terres du Mordor avec la Montagne du Destin, au fond.



La Bolivie a la réputation d'accueillir les 6000 mètres parmi les plus faciles au monde : avec sa proximité avec l'équateur, le climat est très doux malgré l'altitude (bon, sauf la nuit !). Ce qui nous a permis d'effectuer cette ascension assez rapidement, mais surtout sans matériel ni conaissances techniques : pas de crampons, ni de piolets, ni de cordée. Juste des chaussures de marche. Et pour le retour, on a pris un autre versant, couvert de cendres... et on a couru tout droit ! On faisait des enjambées de dix mètres, amorties par la cendre ; on a descendu six heures de montée en seulement une heure ! C'était trop marrant !




jeudi 12 octobre 2017

Le temple du soleil.

Le Pérou est connu pour la quantité de ruines précolombiennes présentes sur son territoire, mais il y a un site en particulier qui fait rêver le monde entier. Base arrière de l'empereur Pachacutec, il a été perdu après la chute de l'empire Inca suite à l'arrivée des Espagnols et n'a été redécouvert qu'en 1911 (et encore, le mot "redécouvert" est litigieux). Les voies pour permettre l'accès aux milliers de touristes quotidiens y sont aujourd'hui légion ; en bus, en train, en voiture, ou via l'historique trek "chemin des Incas" (tellement populaire que les mules y sont interdites. Alors du coup, ce sont des enfants de quinze ans qui portent les bouteilles de gaz pour permettre aux précieux d'avoir une douche chaude le soir). Pour nous, ce sera l'alternative du Salkantay (sommet qui culmine à 6200m), randonnée très touristique également mais plus variée en paysages et sans passer par agence.



"Cette fois on est parti, mon vieux Milou !"



Tous les égouts vont dans la nature
La randonnée commence le premier jour en longeant un "canal Inca" (je ne sais pas s'il a été réellement construit par les Incas, je n'ai pas réussi à savoir si le béton et les bâches en plastique existaient à l'époque) pendant quelques kilomètres pour arriver au pied du nevado Salkantay et d'une magnifique lagune bleu-de-chiottes. La journée aura été courte, sans difficulté particulière ; le deuxième jour en revanche, s'annonce comme étant le plus ardu du trek, avec dix heures de marche et le passage du col du Salkantay à 4600m.


Bon alors, "ardu" était un putain d'euphémisme. J'avais copieusement surévalué mon niveau, et avec la mauvaise nuit passée et le sac bien lourd sur le dos, le plan ne s'est pas déroulé sans accrocs. Bon j'exagère, il n'y a pas eu de problème particulier, c'est juste que pendant la montée, avec le manque d'oxygène, je devais récupérer mon souffle toutes les deux minutes, les muscles étant trop faibles pour bouger. J'avais beau essayer de pousser un peu, impossible, mes jambes étaient têtues (on aurait dit des mules) ! Du coup, il n'a pas fallu les trois heures prévues pour passer le col, mais quatre et demie. Mais en arrivant, on a eu la chance de voir notre premier vol de condors ! "C'est à dire que vu d'ici, ce serait de gros poulets que ça ferait pareil !" Et encore cinq heures de marche derrière. On est arrivés le soir au camping épuisés, c'était a priori la journée la plus difficile du trek ; elle est heureusement maintenant derrière moi.



C'est ici que Che Guevarra s'est tordu la cheville.



Ah ben non en fait, c'était la troisième journée la plus difficile. On a décidé de prendre une voie alternative en passant à Llaqtapata : quatre heures de remontée en plus. Je n'en ai jamais autant chié de ma vie ; sans doute pour un ensemble de raisons, dont la fatigue et le soleil en tête. Je suis arrivé au point de vue tout en haut à bout de forces et de souffle ; et en voyant les si célèbres ruines Incas perchées au loin sur la montagne, je suis tombé à genoux et mon estomac a fait une vidange express (mais je doute que ce soit dû aux émotions).






La fin du trek ne sera pas aisée non plus à cause de la fatigue cumulée, mais au final il est clair que c'est la plus belle randonnée que j'ai jamais faite. On est passé par les lagunes bleues, les monts enneigés et les glaciers, pour finir dans la forêt tropicale d'altitude. Il y avait même quelques ruines précolombiennes sur le chemin du quatrième jour. On a dormi au camping municipal le soir, au bord du rio Urubamba (futur Amazone), à l'entrée du pont qui annonce les deux dernières heures montée pour accéder à la mythique citée perdue (qui n'a donc plus rien de perdue).

Les Incas jouaient déjà au golf.
C'est en arrivant en haut que l'on a eu la fameuse vue dominante sur l'ensemble des ruines avec le mont Huayna derrière, dont la photo prise des millions de fois, a fait le tour du monde. Les émotions sont là, l'accomplissement de cinq jours de randonnée éprouvante et de longs mois d'attente pendant la préparation du voyage. On a un grand ciel bleu, il est encore tôt et les touristes n'ont pas investi tout le site : il est possible de prendre des photos sans personne dessus, c'est magnifique !




 

vendredi 6 octobre 2017

Colca-Cola.

"Oh, des vigognes domestiques !"
"Non, ça, ce sont des lamas sauvages."

Les vigognes et les guanacos sont protégés dans toute l'Amérique du Sud. Contrairement aux condors qui font la réputation du canyon du Colca (deux fois plus profond que Grand Canyon aux USA, 3400m), les vigognes et les guanacos ne peuvent pas voler (le poids de la laine, sans doute). Les mythiques rapaces viennent profiter des courants ascendants d'air chaud qui se forment le matin et le soir. On n'en a malheureusement pas vu. On serait bien allé les chercher mais l'Homme ne peut pas voler (le poids des responsabilités, peut-être).



Jolly Jumper s'est pété la gueule dans le ravin.



Mes premiers troubles gastriques péruviens ont commencé juste avant la rando, mais le Coca-Cola m'a sauvé in extremis d'un véritable désastre intestinal dans le bus : sept heures de trajet pour aller d'Arequipa au canyon. Sept heures pour faire 170km. Oui, oui. Un cycliste un peu dopé nous aurait dépassé dans les montées, même à l'insu de son plein gré. La boucle de quatre jours prévue initialement s'est donc logiquement retrouvée amputée d'une journée ; rien de grave, il y a plusieurs itinéraires possibles dans le canyon, on a juste adapté le trajet.

Ce sera donc une rando de trois jours, la première en autonomie : pas de frais d'agence pour nous alléger le portefeuille, pas de mules pour nous alléger le sac. Autant la descente a été accélérée par le poids du sac et les roches glissantes, autant la remontée... les marches rocheuses, parfois plus hautes que le genou sont épuisantes. Et dire que la veille, on a fini de randonner à 14h en arrivant à l'oasis de Sangalle, les pieds dans la piscine et le cocktail dans la main. "Profitez bien, parce que demain, on a un dénivelé positif de 1,5km à faire en trois heures !"







Bon, même si le dernier jour était éprouvant, les paysages valaient le détour. Totalement différents des montagnes vertes et blanches de la cordillère Huayhuash ; ici l'environnement est beaucoup plus sec et austère. On enchaîne les passages en plein soleil et d'autres plus ombragés, en suivant des canaux construits par les locaux qui détournent une partie de l'eau des rivières pour l'agriculture. Le paysage se fait parfois impressionnant aussi, quand on longe les falaises abruptes entre les cactus, les roches et les plantes grillées par le soleil. On se croirait par moments dans un Sergio Leone.