samedi 18 novembre 2023

La maison des fous.

C'était fin février dernier, un peu avant le confinement. J'avais le devoir de gérer le matériel nécessaire à une mission dans la réserve naturelle scientifique des Nouragues. Rien de bien méchant, il fallait réunir un ensemble de pièges photos prêtés par différents organismes ; ainsi que d'acheter les piles nécessaires à leur fonctionnement.

Au sujet des piles, les pièges photos en consomment un paquet - entre huit et douze selon le modèle - et on avait en tout cinquante-neuf pièges à disposition. Soit environ trois cent piles à acheter.
- Valentin, toi qui gère les achats du service, tu sais comment je dois faire ?
- Ce n'est pas bien compliqué, tu dois aller à Carrefour demander un devis, parce qu'ils n'en délivrent pas par mail. Je prends donc ma voiture et vais à Carrefour. Manque de bol, certains pièges exigent de fonctionner avec des piles au lithium, et ils n'en ont pas. "Bon, donnez-moi déjà un devis avec trois cent piles alcalines, je verrai ensuite". Malheureusement, personne ne sait qui vend des piles au lithium. A force de coups de fils dans tous les sens, j'entend ce nom : Guyane Service Plus. J'ai de la chance, ils ne sont pas loin de l'hôpital. J'y vais et... ils en ont ! Mais pas en stock. Je demande donc un devis.

 "Y'a pas de soucis pour leur commander avec le devis que tu as ramené, Léo, mais ils faut qu'ils soient fournisseurs officiels de l'hôpital (comme Carrefour), sinon c'est compliqué." Je téléphone donc à Guyane Service Plus pour leur poser la question, et la personne me répondant se trovant offensée par mon impertinence m'aboie qu'ils sont fournisseurs officiels de l'hôpital depuis plus de vingt ans. "OK Léo, j'envoie tes deux devis à madame Tartempion, la responsable des commandes." Au final madame Tartempion décide de tout commander chez Guyane Service Plus, même les piles alcalines car "elle préfère." Je retourne donc à Guyane Service Plus demander un autre devis ; et la commande est lancée.
- Tu n'oublieras pas de leur demander le bon de livraison !

Outre les piles, il fallait aussi aller chercher des pièges prêtés par la réserve Trésor, l'ONF, la réserve Grand Matoury et Kwata. Je vais donc à Trésor chercher les six pièges prêtés (et un topofil). "Pas de soucis Léo, voilà le matos". OK, je poursuis plus loin à la réserve Mont Grand Matoury pour récupérer d'autres pièges, puis demi-tour vers l'ONF, à l'apposé de Trésor et Matoury pour récupérer un piège et un autre topofil. "Ah, par-contre, j'ai déjà prêté le topofil à Trésor la semaine dernière, il va falloir aller les voir !". Eh merde, re-demi-tour pour récupérer le deuxième topofil. "Ah mais tu aurais dû me le dire, je te l'aurais passé tout de suite !". Il est déjà bientôt treize heures, je n'aurai pas été très productif avec tout ces aller-retours, mais au moins j'avance. Je termine ma matinée en repartant encore à l'opposé, à Pasteur (à deux pas de l'ONF) réclamer le matériel de Kwata auprès de Hugo. Benoît me répond : "Ah désolé, il n'est pas là ce matin, repasse à quatorze heures".

Je relance Guyane Service Plus pour la commande et je téléphone à Hugo à quatorze heures. "Pas de soucis, je suis là, passe au local de l'asso". Je reprend donc ma voiture et vais au local de Kwata. "Salut Léo ! Allez, prends ta voiture, les pièges sont à Pasteur, dans le bureau de Benoît !".

C'est le jour de la marmotte. Au moins, j'ai le matériel de Kwata, je retourne à mon bureau.

- Monsieur Leclerc ? Une partie de votre commande de piles est arrivée, vous pouvez venir la chercher au dépôt !
- Ah oui mais il est où, votre dépôt ?
- Juste derrière le local de la réserve Trésor !" Je reprends ma voiture, et je préviens Valentin.

Je n'ai que les piles au lithium, il me manque encore les trois cent piles alcalines. "Va voir madame Tartempion au magasin général, elle dit qu'elle en a un peu. Mais n'oublie pas de leur demander le bon de livraison". Au magasin général, je récupère deux cent piles. "Par contre, on ne peut pas vous éditer le bon de livraison, on n'a pas d'électricité aujourd'hui. Il va vous falloir aller au bureau n°4 du bâtiment 3C de l'hôpital".

Sérieusement, j'ai mis au moins une demie-heure à trouver le bâtiment.
- Mais pas du tout, monsieur, c'est dans le bureau n°5 qu'il faut aller !
- Mais non, ici, on ne fait pas les commandes, venez avec moi, on va dans le n°3 !
- Mais non, c'est à Paulo de faire les commandes, mais il n'est pas là aujourd'hui. Du coup c'est au bureau n°4 de gérer !" Retour au bureau n°4.
- Ah mais vous parliez d'une commande du magasin général, monsieur Leclerc ?! Fallait le dire tout de suite, voilà votre bon de commande !" Je retourne enfin me poser à mon bureau avec le bon de livraison le plus précieux de l'histoire de l'humanité. J'ouvre ma boite mail, le bon de livraison est dedans.

- Allô, Valentin ? Il me manque encore cent piles, et Guyane Service Plus me dit qu'ils ne seront pas livrés dans les temps !
- Dans ce cas, téléphone à madame Tartempion au magasin général !
- Allô, madame Tartempion ? Il me manque encore cent piles, comment je peux faire ?
- Ah ben là monsieur Leclerc, je ne vois qu'une solution... Il va falloir aller à Carrefour !

lundi 1 janvier 2018

Et rond et rond, petit Patagon.

La Patagonie telle qu'elle est présentée sur les photos promotionnelles ou les cartes postales arrive à la fin de notre voyage comme la cerise sur un gâteau de quatre mois,  à la hauteur de l'attente qu'elle a suscité. On aura passé trois semaines à aller et venir entre le Chili et l'Argentine, à multiplier les tampons sur les passeports et les découvertes de sites naturels divers et variés. Je dirais qu'elle a réellement commencé avec le Cerro Castillo, sur la carretera austral chilienne : un magnifique enchevêtrement de longues aiguilles noires acérées émergeant de la neige blanche (un oursin polaire !), visible en une seule journée de marche depuis le village du même nom. Et en redescendant de la montagne (sur chariot chargé de paille et de foin), on a enfin eu la chance de bien voir des condors.




Le Mont Olympe.




Lieu du naufrage du Titanic.
Autant on se plaignait de ne pas en voir, autant maintenant c'est tout juste si on lève la tête quand on en croise. La région toute entière est blindée d'animaux qui étaient pourtant rares jusque là : condors, guanacos, nandous, etc... Le deuxième jour de la rando à El Chalten avec Arnaud et Marine, qui nous a amené au pied du Fitz Roy (magnifique au lever du soleil), on a fini le soir au pied du majestueux Cerro Torre, devant un lac où viennent s'échouer les icebergs bleus du glacier qu'il y a en face. Là aussi, on a vu des condors.

"Léo, tu sais qu'on a du café, du lait et du sucre ?"

"Bah oui, et ? Tu veux un café au lait ?"
"Nan, un frappuccino... avec la glace du glacier."

Le parc national du Fitz Roy a un avantage franchement appréciable : l'entrée du parc et ses aires de camping sont gratuites et l'accès aux sentiers particulièrement facilité grâce à sa proximité avec la ville (pas de bus à payer). Pour le parc national Torres del Paine au Chili, c'est une autre histoire. Très fréquenté, les nuits en camping pour le trek W doivent être réservées des mois auparavant, sous peine de ne pas pouvoir y entrer. Nous, nous l'avions préparé dès le mois d'octobre (et c'était déjà tard, la plupart des campings étaient complets), histoire de pouvoir y aller tranquilles et sans stress. Et c'est en faisant nos sacs la veille au soir qu'on s'est aperçu de ma connerie : on aurait dû partir le matin même (et sans stress). J'ai donc dû négocier en urgence avec les prestataires (et avec stress) dès notre arrivée pour décaler d'un jour toutes les reservations ; ce qu'ils ont accepté sans histoire, ni frais. Sympa.






Châteaunoir.
Bon alors, cette randonnée est excessivement chère, mais est à la hauteur de sa réputation : c'est splendide.  Les imposants cuernos, énormes massifs rocheux beiges coiffés de noir dominent tout le massif. Le parc était pour nous une sorte de condensé de Patagonie, le résumé de nos deux précédentes semaines passées entre l'Argentine et le Chili. Le Paine Grande rappelle le Cerro Castillo ; les trois torres le Cerro Torre ; le glaciar Grey le Perito Moreno, etc...  ; on y a même vu des condors.


Le Mur est l'ultime rempart
contre les Marcheurs Blancs.
Toute la Patagonie est belle, mais pour moi, le plus incroyable était vraiment le Perito Moreno. Je savais avant de partir que ce glacier était grand, très grand ; mais franchement, je pense que personne ne peut s'attendre à ça. Il est absolument gigantesque (soixante-dix mètres émergés par endroits), une véritable falaise de glace (qui avance de deux mètres par jour, tout de même). Le parc y a aménagé tout un système de passerelles, si bien qu'il faut plusieurs heures pour tout parcourir, ce qui permet de bien profiter du décor et de voir le glacier sous plusieurs angles (au-dessus, en bas, sur le coté, ...). Et en plus, on a vu des condors.

Notre séjour en Patagonie (et même dans la cordillère des Andes) se termine avec le passage du détroit de Magellan en ferry ; un court passage en Terre de Feu dans la ville la plus australe du monde, Ushuaia. Sincèrement, elle n'est ni intéressante ni belle, elle fait juste un peu rêver parce qu'elle a donné son nom à une marque de shampooing. Du coup, il y a plein de touristes français, les locaux ne comprennent pas pourquoi, et c'est trop marrant à expliquer (va dire "shampooing" en espagnol !). Pour nous, c'est surtout l'accès à l'aéroport qu'on est venus chercher, pour aller passer le nouvel an et terminer le voyage à Buenos Aires (sans manquer les chutes d'Iguaçu).





mardi 28 novembre 2017

Into the wild.

Les chiliens ont le Lago de Todos los Santos, les argentins ont le Nahuel Huapi. Les deux lacs se font face au cœur des montagnes, à deux pas de la frontière, et rivalisent de beauté ; l'un est émeraude, l'autre bleu Schtroumpf. Il est même possible de passer d'un pays à l'autre en les traversant en catamaran (une croisière en montagne, oui, oui) ; mais à trois cent boules le tour de bateau, on a un peu réfléchi : le bus, c'est quand même vachement bien. Le plus beau des deux est selon moi le Nahuel Huapi de Bariloche, que l'on peut admirer dans toute sa splendeur depuis le cerro Campanario : une eau limpide et des berges sinueuses rappelant les fjords norvégiens que je n'ai jamais vus, une nature verdoyante et des monts encore enneigés.



Lagon bleu, Lagon vert, les deux font la paire.



C'est ici que Florent Pagny
a paumé sa déclaration d'impôts.
Les lacs parsèment plus le nord de la Patagonie que les pâquerettes ; certains d'entre eux sont accessibles en voiture, d'autres en excursion à la journée ou en trek de quelques jours, etc... On a commencé la visite de la région par le volcan Osorno, à Puerto Varas au Chili, qui nous a fait profiter d'une vue à trois cent soixante degrés sur toute la région de Puerto Montt : la ville, le Llanquihue, le Todos los Santos, le Pacifique (c'est un océan, pas un lac), et les sauts de Petrohue, visités le lendemain : un magnifique enchaînement de rapides et de cascades bleus-de-glace sur une rivière à fort débit. 



Arrivée à Collioure.



On ne passera au final que trois jours du côté chilien, l'Argentine offre malgré tout plus de possibilités en termes de tourisme comme la route des sept lacs (que l'on a faite en road-trip d'une journée) ou les nombreux parcs naturels aménagés pour les randonnées et treks de tout niveaux. La suite se passera donc de l'autre côté de la frontière : direction la Savoie et les chalets suisses de Bariloche (il y a des restos à fondue de partout, y'en a même un qui s'appelle Le Chamonix). "Oh Léo, tu as vu ? Ils servent tous de la bière pression, ici."






Le pisse-debout, pour les filles
qui en ont dans le froc.
Malheureusement, la totalité des cols du parc Nahuel Huapi étaient fermés pour cause de neige ; certains sont même interdits sans guide de haute montagne toute l'année. On a donc dû réduire l'itinéraire de trois jours initialement prévu à un aller-retour à la lagune Frey (un sentier forestier absolument splendide), encore gelée et entourée d'aiguilles acérées et couvertes de neige. Le parc y a construit un refuge et aménagé des emplacements de camping plats, abrités et gratuits... ce qui n'empêchera pas le vent de secouer la tente comme un prunier dès tombée de la nuit jusqu'au lendemain matin ; j'avais l'impression de dormir dans une machine à laver en plein essorage.



C'est un trou de verdure où coule une rivière...



Il est impossible de tout voir, même en un an, tant les saisons transforment les paysages, tant les parc nationaux sont nombreux et vastes (et tant les randonnées étaient toutes fermées). On a découvert une région très variée en sites d'intérêt : lacs bleus, verts ou blancs, cascades en tout genre, montagnes, pics, aiguilles, forêts, glaciers, etc... On a même vu un ruisseau se diviser en deux sur une ligne de partage des eaux : une partie finit dans le Pacifique, l'autre dans l'Atlantique ; bref : un gros et magnifique foutoir sauvage ; un grand bol de nature dans la tronche. La Patagonie commence.

mardi 14 novembre 2017

Bienvenue chez les ch'tis.

"Holà, quisiera saber a donde es el hostal el más cerca, por favor.
"Cha, en la cache 13 de macho : el hostal Vache de Cafachate, con desachuno."

L'accent argentin, ce n'est vraiment pas une légende ; ils remplacent tous les y- et les ll- par des ch- ; on dirait des locomotives ! C'est d'ailleurs pour cette raison que les potes à "Che" Guevara lui ont donné ce surnom (oui, il était argentin) ; en gros, ils se foutaient de lui. Bon à part ça ils ont du très bon vin (les argentins, pas les potes au Che), produit dans le noroeste du pays, notamment autour de Salta, première étape argentine du voyage. L'intérêt est double : déboucher du Malbec (y'a même un gars qui m'a montré comment faire avec un Opinel ou une chaussure !) et découvrir en voiture la région alentour, qui offre un bon nombre de sites d'intérêts différents, dont la multicolore quebrada de Humahuaca.


Dali a trébuché avec ses tubes de gouache..



Le lac de Petit-Saut.
Ce sera d'ailleurs notre premier arrêt de l'itinéraire, après avoir pris une route qui traverse une foret tropicale absolument superbe, avec des arbres couverts de mousses et d'épiphytes qui couvrent le ciel au-dessus des voitures. On atteindra la quebrada dans l'après-midi, seule véritable pause de la journée - le meilleur restant à voir le lendemain. Pour le bivouac du soir, ce sera sur conseil du Routard à la laguna de Pozuelos, site peu connu et idéal pour consacrer la soirée à l'observation des oiseaux et l'installation des tentes. Malheureusement, le garde du parc nous coupera dans notre élan : "Décholé, mais che n'est pas autoriché de camper ichi". On n'ira donc que le lendemain matin à la lagune... qui s'avérera malheureusement quasiment à sec.

Grand Canyon.
On passera toute la matinée suivante sur une piste qui a fait vibrer la caisse comme un lave-linge, surtout que les amortisseurs étaient bien fatigués (comme nous, mais en pire). J'ai d'ailleurs bien failli emplatrer une vigogne qui devait penser que traverser devant une caisse lancée à bonne vitesse était une bonne idée. C'est pour les vingt derniers kilomètres qu'on n'était pas d'accord : on devait rester sur la piste principale, mais j'avais quand même bien envie de voir le cañón de Barrancas, dont le passage nous avait été clairement déconseillé en véhicule de tourisme.


"Regarde Simba, toute cette immensité
baignée de lumière est notre royaume..."



Bon, je reconnais que ça frottait un ch'tit chouïa par moments, mais vraiment trois fois rien, hein ! Ç'aurait été vraiment dommage de le louper, vu comment c'était beau : des falaises à pic en bord de route, un rio en bas et de la verdure tout autour. La fin du trajet est passée par les salinas grandes, un autre salar qui nous a paru presque fade à côté de celui d'Uyuni, le village de Purmamarca et sa montagne colorée, mais surtout la magnifique quebrada de las Conchas, en arrivant à Cafayate (prononcez Cafachate). Incomparable à celle de Humahuaca, trop différente, mais plus impressionnante encore : des montagnes de terre rouge, désertiques et très découpées sur des kilomètres, une vallée verte avec une rivière qui serpente entre les végétaux, et la route qui sinue au milieu cette palette de couleurs. C'est impossible à rendre compte en photo, mais c'était pour moi la plus belle étape de ce tour de deux jours en voiture.


Ps : Merci pour tous vos bons retours et compliments sur le blog ; c'est un véritable moteur d'écriture !

lundi 6 novembre 2017

Le Transperceneige.

La Bolivie se termine en apothéose, avec une des étapes que j'attendais le plus du voyage : le salar d'Uyuni et la région du Sud-Lipez, en road-trip de trois jours.







L'Orient-Express.
Étape peut-être la plus touristique du pays - leur Machu Picchu naturel à eux - on passera la frontière chilienne à l'issue de ces trois jours, dans le désert d'Atacama. Cela s'annonce d'autant plus sympa que l'on partagera ce moment avec un couple rencontré dès le début du voyage, lors de la cordillère Huayhuash, Tom et Marie. Le salar d'Uyuni, désert de sel le plus grand du monde, accueille depuis 2014 le Paris-Dakar... qui ne passe donc plus ni par Paris, ni par Dakar. C'est aussi con que d'aller sur la lune avec un peigne derrière l'oreille. Ou que de faire Pékin Express en Bolivie (ah ? on me dit à l'oreille que cela a déjà été fait).



Le Mont Saint-Michel, par marée basse.




Petite étape avant le vrai départ dans un cimetière de vielles locomotives à vapeur rouillées, abandonnées en plein désert - ambiance façon Mad Max. Puis une immensité blanche parfaitement horizontale à perte de vue. On ne sait pas si on marche sur de la neige ou de la glace, voir passer un traîneau et ses huskys ne choquerait personne. Le désert est clairsemé de quelques îles volcaniques jonchées de cactus, posées ça et là comme le blanc des oeufs dans la crème anglaise. Autant de points de vue à 360 degrés sur toute la banquise. Un incroyable no man's land avec plein de touristes partout.



La première plaie d'Egypte.



Le poulet fumé, spécialité locale.
Le Sud-Lipez des deux jours suivants n'a rien à voir : des montagnes arides, des geysers, des formations géologiques d'intérêt ou des lagunes de toutes les couleurs (le rouge vif de la laguna colorada ferait tourner l'oeil d'un arracheur de dents !). Les flamants roses y font l'autruche et les péquenots y font des photos. Et pour joindre tout ça, pas vraiment de piste, mais des plaines désertiques et quelques pauses photos par-ci, par-là. Une espèce de renard andin à moitié déplumé comme un vieil ours en peluche viendra nous quémander un peu de nourriture. L'air devient de plus en plus sec à mesure que l'on poursuit vers le sud ; l'Atacama se rapproche.

"Para la cena, habemos papas."
"Amen."

Le Vatican appréciera la blague. On arrivera le lendemain à San Pedro de Atacama, au Chili, après s'être encore pris des cartes postales plein la vue. Le désert le plus aride au monde offre des formations géologiques incroyables ; différentes de tout ce qu'on à déjà vu, et tout particulièrement la Valle de la Luna (qui portera bien son nom : superbe lever de pleine lune à la tombée de la nuit, derrière le volcan Licancabur) et le salar de Tara. Ce sera pour nous une courte étape de trois jours avant de nouveaux horizons argentins : Salta et sa célèbre Quebrada de Humahuaca.



The Dark Side of the Moon.

samedi 4 novembre 2017

La forêt d'émeraudes.

Franchement, quand on a pris un collectivo depuis La Paz pour aller au col de la Cumbre (4800m) sous un grand ciel bleu, on ne s'attendait pas à arriver dans les nuages gris-béton et vingt centimètres de neige. Le trek des Incas del Choro commence plutôt froid mais a cependant l'avantage de redescendre rapidement en altitude et donc de remonter en température. Le trajet suit ensuite un ancien chemin pavé précolombien et s'enfonce dans les Yungas, chaîne de montagnes annonçant l'arrivée de la forêt Amazonienne en Bolivie, créant une frontière naturelle entre l'altiplano et la selva.



C'est là où Fitzcarraldo s'est planté en deltaplane.



La trouée du Rohan.
On commencera donc la rando par se tremper les chaussures, les pieds, la peau et les os. Après avoir passé la neige, le sentier redescend dans la pampa, au creux d'une vallée jusqu'au premier village-étape de Challapampa. La vue se dégage, c'est de bonne augure pour la suite. On arrivera à destination avec deux heures d'avance sur l'horaire prévue, dans la joie et les chaussures humides. Le camping est petit, mais par chance, on est les seuls touristes ! Par contre, il y a une promo d'étudiants boliviens de quarante personnes ; on sera un peu serrés à table. Le soir les nuages se lèveront, on se réveillera sous le soleil.

La forêt de Fangorn.
Le grand soleil annoncera une grande journée... de pluie. On n'aura pas UNE éclaircie de la journée ! Ni du lendemain, d'ailleurs. On finira le trek sous la flotte, trempés comme des soupes avec de magnifiques points de vue sur que dalle, bouchés par les nuages. Bon, ils se lèveront par moments pour nous laisser entrapercevoir les Yungas recouvertes de forêt humide. Faut être honnêtes, on aurait préféré le soleil, mais l'ambiance que crée la brume des nuages en pleine Amazonie donne une saveur différente à la randonnée, presque surnaturelle. On se croirait dans le dernier Tarzan, ou un autre film à la con, qui présente la forêt tropicale telle qu'elle n'existe pas (euh, peut être que si, du coup ?).



 En haut à gauche, le Huayna Potosi ;
à droite, le Mont Blanc avec Chamonix, en bas.



La randonnée se terminera donc dans la forêt d'altitude, la Cordillère Royale cédant la place aux Yungas ; exactement comme la "route de la mort" que l'on a dévalé en vélo trois jours plus tôt. On bivouaquera le dernier soir au village de Sandillani, où l'on se fera malheureusement agresser par le seul habitant du village. Saloperie de dindon ; c'est encore plus con que c'est moche (et y'a pourtant de la marge !), il veille sur son poulailler comme un concierge sur ses quilles de rouquin ; impossible de monter la tente peinard.








Le trek se terminera le lendemain en deux petites heures de marche et une journée de collectivos. La forêt équatoriale des Yungas est très différente de celle de Guyane, à ne pas louper si vous êtes de passage dans la région. Mais méfiez-vous du dindon qui dort.

lundi 23 octobre 2017

On a marché sur la lune.

Le parc national Sajama a été le premier parc national créé en Bolivie, en 1945. Le Routard y consacre un petit paragraphe ; nous, on l'avait repéré sur un blog de voyageurs (novo-monde, très bonne source d'infos). Très peu fréquenté, très beau, multiple sites d'intérêt, etc... Quand on est arrivé sur place, après avoir emprunté la (peut-être) plus belle route de Bolivie, on a découvert... une chiée de français ! Un village pris d'assaut par les français. Visiblement, le blog a fait des émules. Bon, c'était pas la foire non plus, le parc reste relativement peu touristique... et très beau !



Le Kilimanjaro.



"Oh putain les filles, regardez !
C'est Leo et Marine
 !"
La réserve se situe en réalité sur un site volcanique encore actif et est cernée de volcans : le Sajama, enneigé, le Parinacota et son frangin jumeau le Pomerape. Plusieurs randos peuvent être faites en rayonnant depuis le village : la laguna Huaynacota où l'on a vu des flamants roses et des vigognes, une forêt de quinuas - la forêt la plus haute du monde -, des eaux thermales et même des geysers (site volcanique oblige). En arrivant, on s'est vite aperçu que les touristes français présents avaient tous la même source d'informations que nous, et beaucoup ne parlaient que de faire l'ascension du Parinacota (dont le blog y consacre un article). Apparemment, c'est vraiment beau. Au point de nous faire hésiter. Pas trop longtemps tout de même, vu le prix : 1300 bolivianos.

On est donc parti dès le lendemain au pied du Parinacota. On a commencé l'ascension à la frontale, à quatre heures du matin, avec plus de couches qu'un mille-feuilles. Il gèle à pierre fendre, je ne trouve même plus petit cui-cui pour pisser. On avance très lentement, le but est de prendre son temps et ne surtout pas laisser le palpitant s'emballer, sinon c'est cuit-cuit. Notre guide Ramiro saute comme un cabri et nous, on s'appuie sur nos bâtons tout en s'efforçant de garder un rythme respiratoire constant.



Les Incas venaient jusqu'ici
chercher de la glace pour leurs Mojitos



Nos pas se font de plus en plus petits à mesure que l'on monte, le talon ne dépasse parfois pas les orteils de l'autre pied. Avec le manque d'oxygène, certains ont la sensation d'être ivres ou perdent l'équilibre, d'autres s'endorment en marchant. Nous, on a sommeil. La respiration est de plus en plus profonde, les pauses se font plus fréquentes. Ramiro a amené une Thermos de mate de coca pour nous réchauffer, ça aide le moral. La dernière heure est épouvantable : on voit le sommet, il est à moins de cent mètres et il ne se rapproche pas, putain ! On marche dans la cendre du volcan, c'est meuble, on recule parfois du pas que l'on vient de faire. Tout ne se joue plus qu'au mental, désormais. Un pas. Puis un autre. Encore. Et encore. C'est interminable.






Le puits du Sarlacc.
À dix heures, ça y est ! On arrive enfin au sommet ! On découvre le cratère, il est magnifique, lunaire. Le vent lui a sculpté des dents de neige et de glace. On en tomberait presque à genoux d'émotions. On est y arrivé. Après six heures de marche, on est arrivé au bout, à bout. Tout l'altiplano se laisse découvrir : les plaines, le volcan Sajama au loin, avec le village à ses pieds, le Pomerape juste à côté, couvert de glaciers, et le Chili juste derrière. Le parc national est à la frontière, on a un pied dans chaque pays. C'est ici le point culminant du voyage (au sens propre), une hauteur que je ne pensais jamais atteindre un jour : 6342 mètres d'altitude.



Les terres du Mordor avec la Montagne du Destin, au fond.



La Bolivie a la réputation d'accueillir les 6000 mètres parmi les plus faciles au monde : avec sa proximité avec l'équateur, le climat est très doux malgré l'altitude (bon, sauf la nuit !). Ce qui nous a permis d'effectuer cette ascension assez rapidement, mais surtout sans matériel ni conaissances techniques : pas de crampons, ni de piolets, ni de cordée. Juste des chaussures de marche. Et pour le retour, on a pris un autre versant, couvert de cendres... et on a couru tout droit ! On faisait des enjambées de dix mètres, amorties par la cendre ; on a descendu six heures de montée en seulement une heure ! C'était trop marrant !